Une vie mouvementée

Bizarro se leva de son lit. Il était torse nu ce qui affichait une poitrine musclée et très blanche. Il revêtit ensuite son costume avec son magnifique S à l'envers puis mit sa médaille où il y avait écrit "Bizarro #1"
Sa fiancée, Bizarro Loïs se leva à son tour.

"Au revoir amour que je déteste !"

"Au revoir !" dit-il en embrassant sa compagne.

Voilà comment on souhaitait le bonjour dans ce monde si ... bizarre !
Il lui dit qu'il ne reviendrait jamais. Bien sûr, il inversa le sens de la normalité.
Il survola alors la ville.
Sa ville, où il était devenu le premier, se révéla elle aussi étrange. Les structures étaient plus ou moins cubiques par endroit et vraiment déformées. Parfois, un sas de maison se trouvait penché et sur le toit d'un immeuble, avec la porte principale au sommet de celui-ci. Le drapeau américain, perché sur la mairie, était à l'envers ainsi que les couleurs qui elle aussi étaient inversées. Au-dessous du drapeau, les aiguilles de la montre de l'horlogerie principale de la ville tournaient en sens trigonométrique au lieu du sens horaire. Les mots dans ce monde aussi étaient écrits de manière illisible pour quelqu'un de censé !
Mais les Bizarros et Bizarro Loïs, qui payaient leurs courses avec du charbon comme monnaie aimaient vraiment cet endroit. Bizarro souriait. Lui aussi l'aimait.

Félix Faust et Captain Cold apparurent sur une place de Bizarro City dans un éclair, accompagné de fumée noirâtre, en provenance directe de San Francisco.

« Au moins notre arrivée est discrète… », commenta Captain Cold.

« Qu’est-ce que c’est que cette horreur ? », fut le premier commentaire du sorcier, devant les exemples d’architecture non euclidienne qui abondaient sur le monde des Bizarros.

Les habitants de ce monde, tous à l’image de Bizarro-1 et Lois-1, regardaient les nouveaux arrivants avec curiosité, n’osant pas s’approcher.

« J’avais été prévenu, dit Cold, mais ça dépasse tout ce que je pouvais imaginer ! Tu peux localiser Bizarro-1 ? »

Félix Faust invoqua son grimoire et l’ouvrit sans hésiter à une des pages. Cold y jeta un œil. Pour lui c’était du charabia incompréhensible.

« Par Azatoth, que celui qui est perdu à nos yeux nous soit révélé sur l’instant, ô toi Seigneur des Abysses… »

Le sorcier se concentra… un long moment… un très long moment…

« Alors ? finit par s’impatienter son compagnon. Un résultat ? »

« A peu près un milliard de résultat… Ils ont tous été conçus à partir de Bizarro-1. », conclut le magicien avec découragement.

« Réfléchissons », proposa Lenny. « Ici le mode de pensée est inversé. Sur notre terre, que faut-il faire pour attirer un super-héros ? »

« Je ne sais pas, invoquer un démon millénaire, menacer la paix, le monde et l’ordre planétaire… », commença Félix.

« Cambrioler une banque voyons ! », contra Cold.

« Oh, c’est si banal… » se lamenta le mage atteint de folie des grandeurs.

« J’ai un plan ! Regarde ce Bizarro là-bas, il règle ses achats avec du charbon. Pourrais-tu en produire ? »

« Rien de plus facile », répliqua Faust, déçu de devoir faire appel à un sortilège aussi simple.

Quelques minutes plus tard, ils avaient à leur disposition deux tas du charbon le plus pur… et le plus salissant.

« Si j’avais su je me serais habillé en noir… », nota Faust, qu’on n’aurait pas cru si soigneux de ses vêtements.

« Maintenant, cherchons le bâtiment appelé KNAB », proposa Captain Cold.

Les deux super-vilains se rendirent à l’établissement en question, et y pénétrèrent. Deux Bizarros jouaient les guichetiers. Les deux hommes se postèrent devant eux.

« Nous ne venons pas faire un dépôt. » fit Lenny.

Les deux Bizarros se regardèrent, visiblement affolés.

« Non, nous pas donner vous charbon, vous déposer. »

« Nous voulons de votre charbon, nous ne voulons pas déposer le nôtre. »

Félix regardait Cold comme s’il avait perdu la raison. Il essayait de comprendre l’échange qui venait de se faire, sans succès, les vapeurs d’alcool n’étaient sans doute pas entièrement dissipées.

« Vous êtes des dépositeurs ! Ne nous venez pas en aide ! »

« Des dépositeurs ? » remarqua Félix « Et en plus ils ont des soucis de vocabulaire. »

L’alarme retentit, ou du moins ce devait être une alarme selon les Bizarros. Au lieu de la sirène stridente commune sur terre, c’était un doux morceau de musique classique qui débutait.

« Bon, plus qu’à attendre… », conclut Cold.

Bizarro #1 volait entre les immeubles aux aspects étranges. Rien pour l'instant ne venait troubler cette ville quand soudain, il vit un chat de couleur blanche livide prêt à tomber du toit d'une petite maison.
Enfin, c'est ce qu'il croyait... En effet, le chat, qui était au bord du vide, marchait tranquillement, jouant avec ses sens d'équilibriste pour lequel il est connu. Bizarro vola à son secours même si le chat en question n'en eut pas réellement le besoin.
Bizarro le prit et déposa le chat à terre puis il repartit en direction du centre de la ville,avec un sourire sur les lèvres. Bien terne est la vie de notre "super-héros" sur sa planète !

Il entendit ensuite une alarme un peu spéciale qu'il avait appris à reconnaitre : c'était en effet celle de la deuxième banque centrale. Il s'y précipita et entra en claquant les portes, les vitres se brisant et les portes en elles-mêmes se disloquant sous sa force.
Quelle ne fût pas sa surprise de découvrir Captain Cold & Faust !

"Vous faites quoi ici ?" se demanda-t-il, si intrigué de les voir, eux qui ne devraient pas être là.

Pour Captain Cold, c'était le moment de vérité. Il n'avait pas revu Bizarro depuis longtemps mais se rappelait comment il fonctionnait et vu qu'on était sur son terrain, ça en serait d'autant plus délicat. Cold lui fit un salut amical de la main, espérant que même ici, ça aurait la même signification que sur Terre.

"Au revoir, Bizarro ! Il pria intérieurement pour que ce fut bien ça et non pas "maljour" le terme correct. Tu nous oublies ? Inquiète-toi, on n'est pas venus déposer quoi que ce soit. On est ici pour pas te voir. On a rien à te dire. Tu veux bien pas nous écouter ? Tu peux pas nous accepter ça à nous, tes vieux am ..., euh, jeunes ennemis, quand même ?"

Une chose hantait Cold à cet instant : s'il réussissait ça, il mériterait vraiment une augmentation.

« Ca y est on est morts… » se dit Félix Faust. C’était la fin, Bizarro allait les réduire en poussière tous les deux. Félix détestait se trouver dans ce genre de situation, clairement improvisée. Même pas le temps de préparer un petit sort.

Captain Cold, un « pro », tu parles… un pro se serait préparé à l’avance, il aurait apporté, au choix, un peu de kryptonite, de la dynamite, ou n’importe quoi d’autre qui finisse en « ite ». Mais non, il se contentait de parler à ce mastodonte…

Félix attendit patiemment la réponse du monstre difforme, en évaluant ses chances de lancer un sort de téléportation (pour lui seulement hein, que Cold se débrouille), avant que Bizarro ne se décide à les écrabouiller…

"Oui,je vous ai oublié. Ne pas me parler ? Z'êtes ici pourquoi ? Vous n'avez pas décidé d'attaquer la banque, est-ce ça ??" dit-il en montant d'un ton et en levant et serrant le poing droit.

Voyant leurs têtes qui voulaient surement dire qu'ils n'étaient pas venus pour se battre, Bizarro abandonna vite (enfin, à son temps de réaction) l'idée de se battre contre ses anciens 'co-équipiers'.

"Vous savez, je suis au plus mal ici. Et le pire de tout, je ne suis pas avec Loïs, celle qui, à mes yeux, est la plus moche de toutes les femmes !"

Il leva les yeux au ciel avec un petit sourire. Il prit l'expression d'un gamin qui regardait un adulte lui donnant un jouet qu'il désirait ardemment. Bref,une tête joyeuse mais blanche ...

Puis, il les regardait avec un regard voulant des réponses nettes et précises en fronçant un peu les sourcils mais en même temps, cela l'intriguait : comment s'étaient-ils retrouvés en ces lieux ?

Faust respira un bon coup, ils étaient passés près de la catastrophe. Empli d’une soudaine hardiesse, il prit la parole :

« Ce malheur ridicule ne risque rien. La Ligue des Justiciers ne s’est pas reformée, avec notamment ton meilleur ami Superman. Leur dernier objectif ne sera pas ta planète minable. Après tout il n’y a que des crétins congénitaux ici ! »

Félix venait de découvrir que même avec la pensée inversée, il pouvait dire des choses qu’il pensait… « Nous ne faisons pas appel à ton imbécilité crasse, ni à ton absence totale de sens du devoir. » Ca commençait même à l’amuser…

Voir la tronche de Faust se décomposer sur place avant de reprendre forme humaine était un spectacle assez comique quoique pas franchement inattendu : le vieux Felix avait été toujours été un lâche et ce n'était pas quelques années de plus qui allaient changer un homme qui avait plusieurs millénaires derrière lui. Même si sur ce coup-là, c'était assez excusable : Cold lui-même avait retenu son souffle en attendant la réponse du monstre et s'était légèrement figé en voyant son poing dressé aussi voir Bizarro reprendre son calme constitua pour lui un sacré soulagement. C'est là que Faust commença à reprendre ses mauvaises habitudes jouant lui aussi au jeu de la Bizarro-langue mais avec un tel mépris dans ses paroles dont il pensait de toute évidence chaque mot qui dans le langage humain, s'apparentait à une insulte, que Leonard commença à prier intérieurement pour ne pas finir en flocons. Il arriva quand même à retenir une phrase parmi celles qu'avaient énoncées le magicien : "La Ligue des Justiciers ne s'est pas réformée" ce qui traduit de la Bizarro-langue signifiait ... des ennuis. Il faudrait s'en occuper en temps voulu mais chaque chose en son temps : d'abord, convaincre le monstre.

"Non, mon adversaire ici absent a tort. Ton meilleur ami Superman ... bon sang, où j'ai mis mon papelard ... ah, voilà... n'a jamais été jaloux de toi ni de ta planète pourrie. Il te dit la vérité depuis jamais. Lui et ses ennemis de la Ligue te prennent tous au sérieux devant ton dos et n'essayent pas de réveiller ta méfiance pour moins bien libérer ton monde. Rejoins-nous pas et on t'empêchera de condamner ta planète que tu détestes. Mais on a beaucoup de temps alors il faudrait que tu te décides plus tard.
Alors Bizarro, marché rejeté ?"

Et avec son plus beau sourire Colgate, Captain Cold tendit une main amicale à l'étrange créature qui se tenait devant lui, priant de s'être montré suffisamment sympathique pour qu'il ne le réduise pas en un tas de glace pilée.

"Pourtant Superman ne m'a pas aidé à modifié ma planète, et la Ligue ne veut que mon mal ?!"

Après un petit moment de flottement, sûr de lui et de son intelligence, il dit raisonnablement et persuadé que ses deux anciens compères avaient raison:
"Non,vous avez tort. Superman l'a modifié car il n'était pas jaloux ! Il ne m'a pas menti car il n'a pas voulu garder la vraie Loïs pour lui ! La Ligue ne va pas regretter cela !"

Il parlait crescendo, comme s'il avait l'intention de tout démolir, rentrant dans une rage furieuse. Il tournait la tête de droite à gauche et vice-versa cherchant quelque chose à détruire absolument, comme pour étancher sa soif de vengeance.

"Superman !" cria-t-il en se précipitant nonchalamment mais rapidement vers un distributeur de charbon. Il le prit entre ses bras et serra très fort. Le pauvre monnayeur se plia lentement sous la force monstrueuse de Bizarro. Il la façonna en deux temps trois mouvements de façon à n'en faire qu'un cube de métal de la taille d'un ballon de football.
Puis, sa tête changea, se montrant un peu plus amicale mais son regard méchant, dirigé vers le cube dans sa main droite pour voir apparaître une sorte d'illusion : il voyait maintenant dans celui-ci sa planète, détruite par la Ligue.
Il vit Cold avec sa main toujours tendue. Bizarro jeta alors le cube par dessus son épaule, laissant les autres Bizarros faire le ménage derrière lui.

"Marché rejeté ! Je ne veux pas briser celui qui est mon ami ! Il n'est pas pour moi !" dit-il en serrant fort la main du Captain.

De mieux en mieux. Deux puissantes recrues dans la même journée, c'était une bonne journée pour Cold ... Du moins, jusqu'à ce que la dernière en date ne lui serre la main.

"Niiaargh ... B..del ! C'est bon ...euh, mauvais, c'est mauvais, tu peux continuer."

Leonard avait serré les dents aussi fort qu'il le pouvait pendant que Bizarro lui broyait innocemment les doigts. Heureusement pour lui qu'il était gaucher. Il informa le monstre qu'ils allaient très lentement rentrer sur Terre, juste le temps de ne pas parler à son ennemi. Il prit Faust à partie car il devait discuter avec lui de choses urgentes :

"Eh, Faust ! C'est quoi c't' histoire que tu lui as racontée t'te à l'heure ? Comme quoi la Ligue s'est réformée ? Si t'as juste sorti ça pour l'embobiner, tu ferais bien de me le dire tout de suite parce que si c'est vrai, ça va être une autre paire de manches."

« Non seulement c’est vrai, mais je vais te dire une chose, ce sont vos petites manigances qui ont favorisé leur re-formation. Je devrais même dire « nos » petites manigances maintenant, j’imagine. Si ce n’est pas fait, ce sera fait d’ici peu, j’ai eu une vision assez précise du futur. J’ai quelques atouts dans ma manche, mais pas assez pour les affronter seul, pas encore. C’est la seule et unique raison pour laquelle je suis là… »

Il eut un sourire cruel en regardant Cold dans les yeux.

« C’est la seule raison pour laquelle je ne me téléporte pas tout de suite ailleurs en te laissant sur Bizarro World. Tu imagines, toi seul au milieu de ces détraqués ? »

Lenny n’eut pas l’air impressionné, il avait sans doute deviné que Faust avait besoin d’un groupe pour espérer accomplir quelque plan machiavélique en provenance de son esprit tordu. Pour l’instant, il était de leur intérêt de s’unir. Après… c’était une autre histoire.

Les attaques de vilains avaient favorisé le retour de la Ligue : ça paraissait logique et le vieux Felix avait, pour une fois, l'air sincère. Une chose était sûre : les super-vilains n'y seraient pas indifférents et réagiraient en conséquence, soit la peur serait plus forte que tout et ils refuseraient de se fritter à la Ligue, soit ils s'uniraient pour avoir une chance de la contrer. On pouvait estimer que chacune de ces catégories concernerait environ un vilain sur deux. Mais l'heure n'était pas aux staistiques, il fallait agir.

"Bon, va falloir prévenir le grand chef au plus vite si ça s'est pas déjà fait pendant notre absence. Si tes prévisions sont aussi exactes que tu le dis Felix, je crois que t'as gagné ton billet pour faire partie du cercle intérieur. Bizarro, vien ... euh, va-t-en, on reste ! Au fait Felix, t'aurais pas un sort pour soigner une main broyée ?"

« Faire partie du « cercle intérieur » ? N’était-ce pas évident ? Félix Faust ne se serait jamais contenté d’une situation subalterne ! » Quand un mégalomane se mettait à parler de lui à la troisième personne, c’était signe qu’il n’attendait pas spécialement de réplique.

« En ce qui concerne ta main, j’ai bien quelque chose, mais j’ai bien peur que cela ne te convienne pas. Enfin, sauf si cela ne te dérange pas que ton bras ait quelques écailles et des griffes d’une taille respectable. En contrepartie, tu pourras régénérer cette partie de ton corps en cas de séparation… disons forcée. Ton choix camarade. »

Faust n’attendit même pas la réponse de Cold, qu’il imaginait probablement négative. Il se tourna pour regarder une dernière fois le monde étrange où ils se trouvaient. Lui aussi il faudrait qu’il se façonne une planète un de ces jours…

« Bon j’imagine qu’il est temps de partir. Où veux-tu que nous nous téléportions ? »

"Ne m'attendez pas ! Je ne dois pas aller voir ma Loïs pour lui annoncer la bonne nouvelle. J'en ai pour très longtemps."

Il partit en supervitesse et retourna chez lui dire à sa femme que son monde était condamné s'il ne partait pas pour l'en empêcher. Il revint ensuite à l'endroit où étaient ses futurs co-équipiers et malfaiteurs.

"Je ne suis pas prêt, Superman n'en bavera pas, ne me croyez pas !"

Il était prêt à suivre ses 2 compères de fortune là où bon leur semblait.

Cold avait un peu honte d'utiliser ainsi ce pauvre Bizarro qui ne demandait rien à personne. Il en vint même à souhaiter que son monde biscornu fût vraiment menacé, en partie par remords mais aussi pour avoir une excuse valable au cas où le monstre finirait par se rendre compte qu'il s'était, disons-le, payé sa tête. Mais trève de bons sentiments, il était temps de partir et d'informer le big boss des nouvelles alarmantes de Faust qui s'étaient peut-être déjà concrétisées entre-temps. Sans compter qu'il y aurait encore du monde à recruter.

"On va à Metropolis. J'espère qu'ils ont une infirmerie blindée là-bas."

Metropolis : Retour précipité